"L’obligation de sécurité poursuit sa nouvelle trajectoire. Après le tonitruant arrêt du 25 novembre 2015 qui en a infléchi la portée en permettant à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par le code du travail pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs, la chambre sociale étend, le 1er juin 2016, au harcèlement moral le bénéfice de cette évolution", déclare à AEF Grégoire Loiseau, professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, of counsel au cabinet Flichy Grangé. "C’est peu dire que cette décision est un retour à la raison, réconciliant le sens de la justice et la règle de droit." En pratique, "l’évolution du régime de l’obligation de sécurité devrait gagner, à présent, tous les champs que cette obligation occupe, avec pour résultat de normaliser la responsabilité de l’employeur". Voici son analyse.
Une jurisprudence déraisonnable
La jurisprudence, jusqu’à présent, était franchement déraisonnable en faisant de la responsabilité de l’employeur une garantie acquise au salarié, quoi que le chef d’entreprise ait fait, dès l’instant où il a été constaté qu’ont été commis des faits caractérisant un harcèlement moral. L’obligation de sécurité s’était ainsi coupée de la raison qui l’avait fait admettre, tenant certes au souci de favoriser l’indemnisation de salariés ayant subi des atteintes à leur intégrité physique ou mentale mais à la condition – ce qui a été perdu de vue – que l’employeur n’ait pas pris les mesures nécessaires pour en prévenir la survenance.
Rappelons-nous les arrêts fondateurs du 28 février 2002 : il était dit que, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat et que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Le président de la chambre sociale de l’époque, Pierre Sargos, insistait alors, à propos de la reconnaissance de l’obligation de sécurité, sur la nécessité de promouvoir par ce moyen la prévention en matière de sécurité, prévention à la base de la directive du 12 juin 1989 dont sont issus les actuels articles L. 4121-1 et L. 4121-2.
Quelle incitation à la prévention ?