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Avant même d’envisager une nouvelle organisation du travail, il convient de s’accorder sur le réel, sur ce qu’est un travail bien fait ou un collectif performant, estime Pierre Falzon, professeur au Cnam, titulaire de la chaire d’ergonomie et neurosciences du travail, à l’occasion d’un colloque organisé par le Cnam et l’Aract Lorraine à Metz, le 11 septembre 2014. Ainsi, "le but [du travail de l’ergonome] n’est pas de supprimer toute difficulté, mais de proposer des difficultés traitables et intéressantes". "Être mis devant des difficultés qu’on est incapable de traiter, par manque de ressources, est évidemment négatif. Mais être confronté à des tâches insipides, sans enjeu, l’est aussi. On apprécie les jeux vidéo, ou les sudokus, parce qu’ils proposent du plaisir par le dépassement, un niveau de challenge acceptable."
Filmer le travail permet-il d’agir sur le travail : sa qualité, son organisation, ses évolutions ou sa transmission ? C’est une "question à l’ordre du jour dans beaucoup de milieux professionnels", constate Jean-Yves Bonnefond, chercheur au Cnam. Alors que sept Aract lancent un concours sur "le travail en images" jusqu’à mi-juin 2014, le recours à la vidéo ou à la photo pour observer les salariés à leur poste vient désormais en appui de démarches RH. Avec des visées variées : l’usine Renault de Flins cherche ainsi à améliorer les conditions de travail, le Crédit Agricole à accompagner l’évolution de ses métiers et la PME girondine Adam Pack à identifier et transférer ses savoir-faire. Dans ces trois cas, le dialogue en interne s’en est trouvé globalement renforcé et la réalité des tâches mieux cernée. L’approche y a été bien cadrée, obtenant l’adhésion des équipes - une clé du succès.
« Le travail réel est maintenant en perpétuel désajustement avec le travail prescrit », observe Philippe Cuny, directeur ESH (environnement, hygiène et sécurité) des opérations monde chez Essilor. Dans la mesure où « nous ne sommes plus dans une simple économie de production », la « culture de l'auto-évaluation », associée au dialogue au sein des équipes, s'avère nécessaire. Cette approche constitue selon lui un point clef pour améliorer les performances de l'entreprise. Il illustre son propos à travers l'expérience qu'il a vécue à la tête du site de production d'Essilor à Dijon où sont mis en place des outils comme le « dialogue structuré ». Le dialogue structuré impose à toutes les équipes de « s'arrêter chaque jour 15 minutes […] pour échanger autour de l'activité, de la performance et de la façon dont sont traitées les difficultés » rencontrées au cours de leurs 8 heures de travail.
Outre les « attitudes de service », qui peuvent être définies par une grille très normée, « il existe des compétences non identifiées qui échappent à nos outils d'évaluation », explique Damien Collard, chercheur au laboratoire d'économie et de gestion à l'université de Bourgogne. Sollicité par la SNCF, Damien Collard a étudié en 2007 « les compétences implicites de service » déployées par les agents, qu'il décrit à l'occasion du colloque sur les compétences non académiques organisé par l'Iredu, le 30 janvier 2013 à Dijon. Son objectif était d'établir si les grilles d'évaluation utilisées par la SNCF, axées sur les attitudes de service, étaient adaptées à la réalité du terrain et à l'objectif visé (améliorer la qualité de service). À l'issue de sa mission, Damien Collard relève qu'il existe des « angles morts » dans les outils de gestion existants, liés notamment à « la complexité de l'activité des agents ».
« Les modèles d'organisation du travail très orientés sur l'optimisation des processus butent sur la réalité du travail. » C'est le constat que dressent Pascale Fotius et Maud Degruel, d'Entreprise & Personnel, dans une récente étude consacrée à l'organisation du travail (1). Ces tensions entre le travail prescrit et le travail réel génèrent des coûts, tant pour l'individu que pour l'entreprise, que l'étude s'efforce de détecter et de pallier. Pascale Fotius et Maud Degruel reviennent pour AEF sur le contenu de ce travail.