En plus des cookies strictement nécessaires au fonctionnement du site, le groupe AEF info et ses partenaires utilisent des cookies ou des technologies similaires nécessitant votre consentement.
Avant de continuer votre navigation sur ce site, nous vous proposons de choisir les fonctionnalités dont vous souhaitez bénéficier ou non :
Les arrêts rendus par la Cour de cassation le 19 mars 2013, qui précisent les contours du principe de laïcité sur le lieu de travail, dont l'un dans l'affaire Baby-Loup (AEF n° 193410), « traduisent deux évolutions, qui dépassent d'ailleurs le cas français », explique Jean-Emmanuel Ray, professeur à l'École de droit de Paris-I-Sorbonne, directeur du master 2 professionnel « Développement des RH » dans une interview à l'AEF. D'une part, « le passage de notre bon vieux droit collectif du travail aux droits de la personne au travail ». D'autre part, « la véritable crainte révérentielle que développent aujourd'hui les juges nationaux à l'égard de la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme) de Strasbourg, craignant une censure ultérieure de leur arrêt par cette Cour vraiment suprême ». À terme, estime Jean-Emmanuel Ray, « l'arrêt Baby-Loup, mais aussi ceux rendus par la CEDH [dans ce domaine] évoquant les restrictions 'prévues par la loi' invitent le législateur français à réagir ».
« Clairement, les entreprises de droit privé qui n'assument pas une mission de service public ne peuvent pas fixer une interdiction de principe du port de tout signe distinctif religieux dans l'entreprise. Cela ne signifie pas que la liberté religieuse prime définitivement sur toute autre considération, sur le lieu de travail », souligne Arnaud Tessier, avocat associé au cabinet Capstan, à propos des deux arrêts de la Cour de cassation du 19 mars 2013 qui précisent les contours du principe de laïcité sur le lieu de travail (AEF n° 193410). Néanmoins, précise l'avocat, « s'ils entendent se prévaloir du principe de laïcité, les employeurs doivent, au cas par cas, […] justifier d'un motif de santé ou de sécurité ou d'un trouble manifestement objectif causé par le port du signe distinctif. À défaut, la restriction de l'employeur sera considérée comme une atteinte à la liberté religieuse ». Sous ces réserves, « la Cour de cassation admet le 'prosélytisme silencieux' dans l'entreprise ». Considérant que la distinction opérée par la haute juridiction, selon que le salarié exerce son activité dans un organisme titulaire ou non d'une mission de service public, n'est pas satisfaisante, Arnaud Tessier indique « qu'une réforme législative pour harmoniser les solutions pourrait désormais s'imposer ».
« Le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public », juge la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mars 2013. Ce principe ne peut dès lors être invoqué pour priver ces salariés de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail. En conséquence, « les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et [être] proportionnées au but recherché », poursuit la haute juridiction. Ne répond pas à ces exigences légales la clause du règlement intérieur de la crèche privée associative Baby-Loup qui, en imposant à chaque membre du personnel le respect des principes de laïcité et de neutralité dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par la crèche, instaure « une restriction générale et imprécise ». Est donc nul car fondé sur un motif discriminatoire le licenciement pour faute grave d'une salariée au motif qu'elle a contrevenu aux dispositions de ce règlement intérieur en portant un voile islamique, concluent les magistrats de la chambre sociale.
Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. C'est ce que retient, pour la première fois, la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mars 2013. La haute juridiction valide le licenciement d'une salariée de la Cpam (Caisse primaire d'assurance maladie) de Seine-Saint-Denis prononcé au motif qu'elle portait un foulard islamique laissant voir son visage, en contradiction avec le règlement intérieur de la caisse. Pour la Cour de cassation, les agents des caisses primaires d'assurance maladie sont « soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires ».
Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. C'est ce que retient pour la première fois la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mars 2013 (n°12-11.690) concernant une salariée travaillant comme « technicienne de prestations maladie » de la Cpam (Caisse primaire d'assurance maladie) de Seine-Saint-Denis. Dans un second arrêt du même jour concernant la crèche Baby-Loup (n° 11-28.845), la haute juridiction rappelle en revanche que, « s'agissant d'une crèche privée, qui ne peut dès lors, en dépit de sa mission d'intérêt général, être considérée comme une personne privée gérant un service public, […] le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Le principe de laïcité ne peut dès lors être invoqué pour priver ces salariés de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail ».
Le droit de manifester sa religion au travail doit s'équilibrer avec les droits d'autrui, considère la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme) dans un arrêt du 15 janvier 2013 dans quatre affaires concernant le Royaume-Uni. Ainsi, la CEDH juge proportionnée l'interdiction faite à une infirmière de porter une croix chrétienne en pendentif sur le lieu de travail au motif de la protection de la santé et de la sécurité de l'intéressée et des patients. Une telle interdiction ne viole pas le droit de cette salariée de manifester sa religion, garanti par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et n'est pas discriminatoire. En revanche, dans une deuxième affaire, la Cour retient que la volonté d'un employeur de véhiculer une certaine image de marque, bien que pouvant constituer un objectif légitime, n'est pas d'une importance telle qu'elle lui permette de porter atteinte au droit d'une salariée de manifester sa religion en portant un tel pendentif.
Le licenciement d'une salariée voilée d'une crèche ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales, n'est pas lié aux convictions religieuses et ne présente pas un caractère discriminatoire, considère la cour d'appel de Versailles (Yvelines), dans un arrêt du 27 octobre 2011. Selon les juges, les dispositions du règlement intérieur prévoyant que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités de Baby-Loup » posent des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Dès lors, pour les magistrats versaillais, le licenciement de la salariée pour faute grave, fondé sur des altercations violentes au sein de la crèche en lien avec son refus de retirer son voile islamique intégral, est justifié. La cour d'appel de Versailles confirme ainsi le jugement du le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie (Yvelines) du 13 décembre 2010 (AEF n°253099).